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Interview yeKcim, contributeur Wormux et autres

Par Cyrille BORNE le vendredi, juin 18 2010, 16:30

Mes souvenirs de yekcim datent de ma première inscription sur le forum Ubuntu (j'ai fait sauter mon compte une première fois pour une sombre histoire de package) il a été je pense l'un des pionniers de la documentation à l'époque, ses écrits lui ont valu d'être cité dans simple comme Ubuntu "de" Didier Roche. La suite est plus confuse, je suis abonné à son blog, un échange un peu sauvage par blog interposés en juillet 2009 suite à mon billet où je me suis fait plein d'amis, "il y a quelque chose de pourri dans le royaume du libre". La véritable guerre a été déclarée en fin d'année 2009 quand je modère sur le planet-libre un billet sur un de ses écrits sur Linux-Pratique. La modération a été faite sans classe, la charte n'était pas écrite et nous n'avions pas défini clairement ce que nous ne voulions pas voir apparaître. Il faut dire qu'à cette époque on était dans les balbutiements de la modération, alors qu'aujourd'hui, enfin c'était le cas quand j'ai quitté le staff du planet-libre, c'est une machine de répression formidable où il suffit d'un clic pour modérer les billets avec un répondeur automatique.

Il n'est pas forcément facile de se fâcher avec moi et c'est ainsi que nous avons sympathisé hors antenne. On se rend compte souvent pour reprendre l'analogie de Shrek que notre identité publique numérique c'est un peu comme les pelures d'oignons. Ce qu'on affiche sur nos blogs, ce qu'on affiche dans nos commentaires (coucou Antistress !!!), et enfin ce qu'on peut écrire par jabber ce n'est pas pareil. Alors qu'on pourrait penser à ses écrits que yeKcim est un type complètement psycho-rigide et sans humour, il s'avère finalement être un très bon camarade qui vient me balancer régulièrement des vannes dans mon jabber.

Comme j'ai vu dans le forum Ubuntu-fr que le projet allait mourir, je suis allé directement à l'une de ses sources profitant de ma période interview pour entre autre, préciser certaines choses et faire un petit retour sur le passé.

Cyrille : Qui es-tu ?
yeKcim : Anthony CARRÉ, technicien en photonique à l'Institut de Physique de Rennes. J'habite près de Rennes avec ma femme et mon fils. Sur la toile, j'utilise le pseudo yeKcim, je contribue à plusieurs petits projets libres, principalement Wormux.

Cyrille : Pourquoi le choix de Linux et des logiciels libres (ton chemin dans le monde du libre) ?
yeKcim : J'ai eu mon premier ordinateur fin 2001, Windows Me était pré-installé et il était fourni avec un bon pour recevoir une mise à jour vers Windows XP, autant dire que Microsoft a tout fait pour que je me tourne vers une alternative puisque la mise à jour n'était pas vraiment bonne, j'avais droit à un Windows XP (sur du fat 32) qui n'était pas stable du tout, la seule chose notable que j'avais constatée avec la mise à jour c'est qu'un des jeux fournis avec l'ordinateur (un casse-brique très joli), n'était plus compatible. J'ai eu une période « Tout pirate », je téléchargeais tout ce qui me passait sous la main, je n'utilisais rien mais je pouvais le faire, ça me donnais l'impression d'avoir accès à tout, je me suis gavé de logiciels et de jeux, j'ai gravé des tonnes de CD avec des softs que je n'ai jamais utilisé. J'ai ensuite découvert Gimp et Phœnix (aujourd'hui Firefox) qui m'ont permis de constater qu'il était possible de remplacer de très bons logiciels par des équivalents gratuits, j'ai donc cherché à tout remplacer par des logiciels gratuits. À l'époque, il ne me manquait que le logiciel de gravure, avant de me poser la question de l'OS gratuit. Quelques recherches sur le net avec les mots clés "Système d'exploitation gratuit" m'ont rapidement permis de découvrir GNU/Linux (bizarrement les premiers liens que j'avais trouvés étaient sur BeOS). Plusieurs lectures sur LéaLinux et LinuxFrench plus tard, j'installais Mandrake en dual-boot. Problème à l'époque, (début 2003) mon ensemble clavier/souris n'était pas actif à l'écran de sélection de lilo et surtout mon fournisseur d'accès à internet AOL était incompatible avec Linux. Les débuts ont donc été un peu compliqués. Mais à force de persévérances... Je me suis tourné vers Debian (été 2003) car je n'aimais pas le système payant de Mandrake pour avoir accès à certains paquets comme flash... Puis, je suis passé à Ubuntu dès sa sortie. En gros, c'est la gratuité qui m'a fait découvrir GNU/Linux, c'est sa philosophie qui m'a motivé à le garder malgré les difficultés du début.

Cyrille : Quelle est ta contribution au monde du libre ?
yeKcim : Ma contribution au monde du libre la plus importante est faite sur le projet Wormux. Je participe au projet depuis décembre 2005. J'ai commencé à participer, car je le trouvais vraiment mauvais. Il manquait de cohérence graphique, j'ai donc dessiné suffisamment de personnages pour imposer un style. Ma première contribution au libre a été le site http://yekubuntu.free.fr/ qui expliquait comment installer Ubuntu. Ensuite quand le site ubuntu-fr.org est apparu j'ai été modérateur sur le forum, à l'époque je lisais tous les posts, il n'y avait pas autant de monde qu'aujourd'hui, évidemment. J'ai aussi été admin d'un site de scripts pour nautilus http://g-scripts.sourceforge.net. Aujourd'hui, je dessine aussi quelques petits trucs pour Super Tux Kart. Je suis une référence dans le monde du libre pour dessiner des logos de projets libres qui ne sont utilisés par personne. J'ai par exemple dessiné les logos de Crocobox.org, Phraymd, Azimuth, un script sans nom qui permet de monter facilement les fichiers iso, Shrew Gallery.... J'ai un blog où j'essaye régulièrement de montrer aux gens qu'il est plus simple de contribuer à des projets libres qu'ils ne le pensent. J'ai aussi écrit quelques articles et quelques interviews pour Linux Pratique.

Cyrille : Quel est ton rôle dans le projet Wormux ? Quels sont les outils que tu utilises pour contribuer à Wormux ?
yeKcim : Je fais parti de l'équipe restreinte de développement de ce jeu en tant que graphiste. J'ai dessiné plusieurs cartes, plusieurs armes, des maquettes d'interface et de menus, les personnages. Pour les personnages, je suis en fait le seul à me prendre suffisamment la tête pour écrire les xml qui définissent les animations, les positions, les mouvements,... L'équipe évolue régulièrement, des gens arrivent, partent, reviennent... Gentildemon et moi sommes un peu des piliers du jeu depuis quelques années, nous essayons de recruter des contributeurs, mettre à jour le site, mettre en place une documentation,... Pour dessiner, j'utilise Inkscape, c'est un logiciel dont je suis complètement fan. Il est puissant et intuitif

Cyrille : Quels sont les autres logiciels libres que tu utilises ?
yeKcim :Complètement en vrac : Firefox, Thunderbird, Empathy, Gimp, F-Spot, Banshee, OpenOffice.org, Geany, Easytag, FreetuxTV, Mplayer, Pitivi, Xsane, Tomboy, Parcellite, Gnome, imagemagick.

Cyrille : Quelles sont les évolutions à venir dans Wormux ?
yeKcim : Un port Android est en cours mais il y a pas mal d'optimisations à faire. Il y a déjà un port Maemo mais Wormux reste relativement lent sur téléphone. Lami, le développeur initial du projet, est revenu depuis peu, il est, en ce moment, en train de réécrire le code des menus et de l'interface, c'est un travail relativement long. Une énorme modification est nécessaire pour que Wormux reste intéressant. Sans cette modification du moteur physique nous ne pourrons pas nous débarrasser de vieux bugs vraiment gênants. Hélas, ce gros chantier en a démotivé plus d'un et personne n'a l'intention de s'y mettre pour le moment.

Cyrille : Que penses-tu du jeu libre de façon générale, penses tu qu'il s'agit d'une véritable alternative aux jeux payants ? Par ce fait, que penses tu de l'arrivée de la plateforme Steam sous Linux ?
yeKcim : Les bons jeux libres sont très rares. Ils ne font pour ainsi dire jamais le poids face aux jeux propriétaires. Mais il est complètement irrationnel de vouloir comparer « God of War » à « Extreme Tux racer ». Cela serait aussi logique que comparer un jeu flash et un jeu PS3. On ne joue pas dans la même cour. Il y a une grande différence entre les logiciels et les jeux. Bien sûr, les jeux nécessitent plus de contributions graphique et audio, ce qui rend souvent le jeu libre moins impressionnants que les projets professionnels. Mais il y a un autre point important : le modèle économique. Certains logiciels libres sont développés par des professionnels, puisqu'il y a derrière une réelle économie possible. Le jeu libre n'a pas trouvé de modèle économique viable. Ce n'est pas une nécessité, mais cela pourrait être pratique. Il ne faut pas se voiler la face, que ce soit dans des entreprises ou des associations à but non lucratif, le fait d'avoir de l'argent pour payer des développeurs à plein temps aide considérablement le développement de Firefox, OOo, Gstreamer, Telepathy,... Aucun jeu, à ma connaissance, n'a trouvé de modèle économique viable lui permettant de payer des développeurs à plein temps et à long terme. Je pense en toute honnêteté que le plus souvent les développeurs de jeux libres s'amusent plus lors du processus de création que les joueurs lorsqu'ils lancent une partie. Ceci n'est pas valable pour tous les jeux, mais au moins une partie. Personnellement, je m'amuse énormément à réfléchir à comment améliorer l'interface de Wormux, à tenter de trouver un meilleur style graphique pour le compteur de Super Tux Kart. Créer est une forme de jeu. Il y a certains projets qui sortent du lot : Battle for Wesnoth, Torus Trooper, War§ow, Teeworlds, Xonotic, Sauerbraten, 0 A.D.,... Le plus dur c'est de les trouver parmi le millier de jeux de mauvaise facture que l'on peut trouver. Il y a environ 1200 jeux dans les dépôts de Ubuntu... 2622 répertoriés par The Linux Game Tome. Mais honnêtement qui installe encore Xmille aujourd'hui ? Il y a une bonne dizaine de PacMan-like dans les dépôts des distributions Linux, aucun n'est bon.

Cyrille : Pourquoi avoir créé un blog, pourquoi le continuer aujourd'hui ?
yeKcim : J'ai mis en place mon blog en septembre 2005 pour y expliquer comment installer Ubuntu. Le site yekubuntu que j'avais mis précédemment en place était moins facile à maintenir à jour qu'un blog. Ça me permettait, en plus d'écrire un billet sur les bouquins que je lisais, un peu comme des fiches de lecture, plus pour me rappeler des livres que je lis que pour donner un avis éclairé. Pourquoi je le continue aujourd'hui ? Parce que je continue à prendre du plaisir à écrire...

Cyrille : Quelles sont les distributions que tu utilises et pourquoi ?
yeKcim : J'utilise Ubuntu chez moi et sur mon poste au travail. C'est aussi la distribution que j'ai installé sur le PC de ma femme, ceux de ma mère, mon père, ma belle-mère et deux beau-frères. Ubuntu est simple à installer et simple à configurer. J'ai installé Debian avec Blackbox sur deux postes PowerPC au boulot, en passant par une netinstall minimale. Ubuntu imposant l'installation d'un environnement de bureau, j'ai directement pensé à Debian. J'adorerais utiliser ArchLinux.

Cyrille : Quel regard portes-tu sur le monde du libre ?
yeKcim : Un monde complexe et particulièrement complet. On y trouve beaucoup de gens motivés, de plus en plus de newbies, suffisamment de grandes gueules pour qu'on ait l'impression qu'il y en énormément. Au niveau des contributions, je pense qu'il y a aujourd'hui un manque d'unité, ou du moins une trop grande dispersion. On entend souvent que la diversité des distributions Linux est une grande force, que cela est particulièrement bénéfique. Je ne suis pas d'accord avec cette vision. D'ailleurs, on peut noter que personne ne pense que 100 kernels différents pourrait être pertinent. Le nombre de système de paquets différents (deb, rpm,...) est par exemple une vraie plaie pour les développeurs de petits projets. De même, il y a énormément de petits logiciels et petits jeux qui ne sont pas maintenus.

Cyrille : Quels sont pour toi les sites 5 indispensables à fréquenter ?
yeKcim : linuxfr, Framasoft, Standblog, Happypenguin et Merciqui ce dernier n'a rien à voir avec le libre, ça fait pas de mal de voir autre chose et cette émission me fait marrer (ce dernier lien n'est qu'un exemple parmi tant d'autres)

Cyrille : Quels sont tes projets futurs en terme de développement / contribution ?
yeKcim : Je dessinerai surement bientôt 2 ou 3 icônes pour des softs inconnus. Je vais tenter d'améliorer les animations des personnages dans Wormux. Je vais encore faire la promotion de différents projets libres au travers de mon blog ou de Linux Pratique.

Cyrille : Quelles sont tes autres passions à part le logiciel libre ?
yeKcim : La chasse aux loups et autres jeux imaginaires avec mon fils, pas mal de mangas et quelques bds, les bouquins, la photo, mon jardin,...

Cyrille : Tu es contributeur au magazine Linux Pratique, ne trouves-tu pas paradoxal d'écrire des informations que tu pourrais diffuser librement sur un journal qu'on peut qualifier de fermé et payant ? C'est donc si bien rémunéré ?
yeKcim : Je ne contribue pas à Linux Pratique. J'utilise Linux Pratique. Les gens n'achètent pas Linux Pratique pour mes articles et je ne les écris par pour augmenter les ventes du magazine. Je considère Linux Pratique de la même façon que je considérais Planet-Libre : Un porte voix. Mon but est de faire la promotion de projets libres et de créer des vocations en montrant à tous qu'il est facile de contribuer. En le faisant sur mon blog je touche quelques lecteurs qui sont souvent déjà initiés. En le faisant sur Planet-libre, avant que tu ne fasses en sorte que j'en parte , je multipliais grandement le nombre de personnes touchées. En écrivant dans Linux Pratique, je touche un lectorat souvent newbie, n'étant pas forcément familier avec le fait que sans contributeur, de nombreux projets ne peuvent pas évoluer. Écrire dans Linux Pratique me permet donc de recruter des contributeurs, le fait que pour cela je doive céder les droits d'auteurs au magazine n'est donc aucunement dérangeant, C'est un peu comme si on payait une multinationale pour qu'elle accepte de passer une publicité à la télévision à une heure de grande écoute. Tout le monde est gagnant. Linux Pratique y gagne un article, j'y gagne visibilité et rémunération. Et le lecteur ? S'il a acheté le magazine alors qu'il aurait pu trouver une grande partie des infos sur le net, c'est qu'il le veut, c'est qu'il y trouve quelque chose qui lui convient, personne ne le force à l'acheter. J'ai moi-même souvent acheté Linux Pratique car j'y trouvais des infos que je n'aurais pas pensé chercher mais qui me sont utiles. La rémunération est plutôt élevée, elle est juste suffisante pour me motiver à continuer, d'ailleurs je n'écris pas dans chaque numéro, c'est un travail exigeant et différent de l'écriture sur un blog ou un wiki, il y a une ligne éditoriale, des impératifs de nombre de caractères,... c'est intéressant mais aussi usant.

Cyrille : le mot de la fin ?
yeKcim : Heureux de constater que tu te concentres sur autre chose que sur tes discussions stériles par blogs interposés.